La Maison de la Poésie

La Maison de la Poésie

Scène littéraire

Maison de la Poésie Paris

La Maison de la Poésie de Paris est une scène de lectures, de rencontres et de création dédiée à la voix des poètes et des écrivains. Elle s'adresse aussi bien à ceux qui ont toujours un livre en poche qu'à ceux qui découvriront le texte porté autrement, par la scène, la voix, la musique, l'image...

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4 : 48 Psychose de Sarah Kane

Par Nicolas Maury

Entre poésie convulsive et désespoir clinique, un chant d’amour empreint d’une solitude abyssale et traversé d’une lumière crue, qui dit sa fêlure sans suture. Avant de disparaître, une figure anonyme adresse sa prière au monde, entre rage et catalepsie. Elle dit sa soif de vie et de vérité, sa quête d’absolu et de beauté. Publié pour la première fois il y a plus de vingt ans, 4 : 48 Psychose est un poème devenu culte. Cette nouvelle traduction délivre la force inouïe du texte de Sarah Kane, sa puissance transformatrice qui, en mettant en crise la langue et les corps, décloisonne les imaginaires de genre et les érotismes.

“C’est moi que je n’ai jamais rencontré, dont le visage est collé au revers de mon esprit”
Sarah Kane, 4:48 Psychose

À lire – Sarah Kane, 4 : 48 Psychose, nouvelle traduction par Vanasay Khamphommala, L’Arche, 2024

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Julia Deck – Ann d’Angleterre

Entretien animé par Margot Dijkgraaf

En avril 2022, la mère de Julia Deck est victime d’un accident cérébral. Selon les médecins, ses chances de survie sont infimes. Mais la patiente déjoue les diagnostics. Commence alors un long cheminement, dans l’espoir d’une convalescence, à travers le dédale des établissements de soins. En parallèle, Julia Deck raconte la vie de cette femme issue d’une famille ouvrière anglaise, passionnée de littérature, qui s’est élevée socialement, est venue habiter en France, tout en continuant d’entretenir un rapport complexe avec sa famille d’Angleterre. Car au milieu de son histoire, Julia décèle une étrangeté, peut-être un secret – un point aveugle dans le récit de sa filiation. Mais à cette interrogation, seule sa mère, précisément, pourrait répondre.

« On y pense ou on n’y pense pas. J’y pense depuis trente ans. Je tente de m’y préparer. J’essaie de me le représenter, d’imaginer les circonstances par quoi s’incarnera l’inévitable, comme si l’envisager sous tous les angles permettait d’améliorer le pire, ou simplement d’y survivre. »
Julia Deck, Ann d’Angleterre

À lire – Julia Deck, Ann d’Angleterre, Seuil, 2024

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Abel Quentin – Cabane

Entretien mené par Marie-Madeleine Rigopoulos

Berkeley, 1973. Département de dynamique des systèmes. Quatre jeunes chercheurs mettent les dernières touches au rapport qui va changer leur vie. Les résultats de l’IBM 360 sont sans appel : si la croissance industrielle et démographique ne ralentit pas, le monde tel qu’on le connaît s’effondrera au cours du XXIe siècle. Au sein de l’équipe, chacun réagit selon son tempérament. Le couple d’Américains décide d’alerter l’opinion, le Français songe à sa carrière et va conseiller l’industrie pétrolière, quant au Norvégien, surdoué des maths, on ne sait pas trop. Certains disent qu’il est devenu fou. De la tiède insouciance des seventies à la gueule de bois des années 2020, Cabane est la satire féroce d’une humanité qui danse au bord de l’abîme.

“L’avenir des États-Unis dans deux ou dix ans, disait-on en substance aux Dundee, est une chose sérieuse. L’avenir du monde dans cent ans ne l’est pas. »
Abel Quentin, Cabane

À lire – Abel Quentin, Cabane, L’Observatoire, 2024

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Emmanuelle Lambert – Aucun respect

Entretien mené par Elisabeth Philippe

Une jeune femme idéaliste comme on peut l’être à vingt ans arrive à Paris à la fin des années 1990. On la suit dans sa découverte d’un milieu intellectuel qui a tout d’une caste d’hommes.
Elle y rencontre l’écrivain Alain Robbe-Grillet, imposant « Pape du Nouveau Roman », et son épouse Catherine, maîtresse-star de cérémonies sadomasochistes. Ils incarnent une certaine idée de la littérature et de la liberté sexuelle. Toutes choses auxquelles l’héroïne s’affronte tant bien que mal.
Raconté avec impertinence depuis aujourd’hui, son apprentissage, d’une drôlerie irrésistible, est un conte contemporain. Sa leçon est que la liberté s’exerce dans le jeu avec les autorités établies. Et sa morale, qu’il ne faut jamais sous-estimer les jeunes femmes.

« Pour veiller les unes sur les autres, elles faisaient ce que pouvaient faire des filles seules quand, dans la ville, on laissait circuler des ogres. Soit, presque rien. »
Emmanuelle Lambert, Aucun respect

À lire – Emmanuelle Lambert, Aucun respect, Stock, 2024

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« L’Odéonie ou la vie de l’esprit »

Avec Margot Gallimard, Anne F. Garréta, Laure Murat, Suzette Robichon & Céline Sciamma

En 1915, Adrienne Monnier fonde une librairie-bibliothèque de prêts, la Maison des Amis des Livres, au 7, rue de l’Odéon. Quelques années plus tard, Sylvia Beach ouvre en face, au n°12, Shakespeare and Company, son équivalent anglo-saxon. L’Odéonie est née. Entre les deux librairies, se construit dans l’entre-deux guerres un espace pour la pensée et le commerce de l’esprit, l’échange des idées et la défense de la littérature contemporaine, où se croisent James Joyce, André Gide, Valery Larbaud, André Breton, Louis Aragon, Colette, Gertrude Stein, Violette Leduc, Walter Benjamin, Gisèle Freund, Ernest Hemingway et bien d’autres. L’Ulysse de Joyce, partout rejeté par la censure, y verra le jour, en anglais, puis en français. Des rencontres, des publications, des lectures publiques, des expositions animent pendant vingt ans cet espace où se réinvente la vie intellectuelle autant que se développe, souterraine, une culture féministe et lesbienne.

À travers un montage de textes, « L’Odéonie ou la vie de l’esprit » rend hommage à un couple de libraires à l’énergie et l’indépendance hors normes, modèles de résistance au conformisme et source d’inspiration à laquelle notre époque gagnerait de s’abreuver.

À lire – Laure Murat, Passage de l’Odéon. Sylvia Beach, Adrienne Monnier et la vie littéraire à Paris dans l’entre-deux-guerres, coll. “L’imaginaire”, Gallimard, 2024.

Photo d’Adrienne Monnier et Sylvia Beach