La Maison de la Poésie

La Maison de la Poésie

Scène littéraire

Maison de la Poésie Paris

La Maison de la Poésie de Paris est une scène de lectures, de rencontres et de création dédiée à la voix des poètes et des écrivains. Elle s'adresse aussi bien à ceux qui ont toujours un livre en poche qu'à ceux qui découvriront le texte porté autrement, par la scène, la voix, la musique, l'image...

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Laure Murat – Proust, roman familial

Rencontre animée par Laure Adler

« Je suis née dans un milieu favorisé et dans une bibliothèque. Ce fut ma chance. » Quel milieu ? L’aristocratie, avec laquelle Laure Murat a dû rompre brutalement. Un monde on ne peut plus codifié où « tout effort doit être radié, toute passion dissimulée, toute souffrance tue, selon une orthopédie mentale aux règles non écrites. » Si Laure Murat s’est « sauvée », elle le doit de toute évidence à elle-même mais également à Proust, celui-là même que son arrière-grand-mère invitait à dîner (« Ce petit journaliste que je mettais en bout de table… ») et qui n’aura fait qu’une bouchée, dans À la recherche du temps perdu, de toute la famille de l’autrice. Proust, roman familial est une plongée en pays aliénant mais également un vibrant hommage au grand écrivain des faux-semblants.

À lire – Laure Murat, Proust, roman familial, Robert Laffont, 2023.

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Zeruya Shalev – Stupeur

Rencontre animée par Gisèle Sapiro
Interprètes : Michel Zlotowski & Lior Silberstein

Au chevet de son père mourant, Atara recueille les propos confus de cet homme qui l’a élevée avec sévérité. Il l’appelle Rachel, du nom de sa mystérieuse première épouse, s’adresse à elle par une vibrante déclaration d’amour. Troublée, Atara retrouve sa trace et réveille chez cette femme âgée un douloureux passé dans la lutte armée clandestine. Rachel n’a rien oublié de ces années de résistance contre les Anglais, avant la fondation de l’État d’Israël, et surtout pas le prénom de celle qui aujourd’hui se présente à elle. Mais de qui Atara porte-t-elle le nom ? La rencontre entre ces deux femmes bouleversera de façon inattendue leur existence et liera à jamais leur destin.
En sondant magistralement l’âme humaine, Zeruya Shalev montre comment l’histoire collective d’une société fracturée bouscule les liens privés.

À lire – Zeruya Shalev, Stupeur, trad. de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, Gallimard, 2023.
– Gisèle Sapiro, Peut-on dissocier l’œuvre de l’auteur ?, Seuil, 2020.

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François Bégaudeau – L’amour

Rencontre animée par Élisabeth Philippe

Années 70, dans une petite ville des pays de Loire. Jacques et Jeanne, issus d’un milieu modeste, se rencontrent à l’âge de 24 ans. « J’ai voulu raconter l’amour tel qu’il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens : sans crise ni événement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est nulle part et partout, il est dans le temps même. » Le nouveau roman de François Bégaudeau tente un pari pour le moins intriguant : nous faire traverser la vie d’un couple, de la rencontre jusqu’à la disparition des conjoints, en… 80 pages. Moralité : une superbe réussite. À la force d’une désarmante empathie (et même de tendresse), l’auteur rend justice et surtout justesse aux Moreau. Ses « vies minuscules » à lui.

À lire – François Bégaudeau, L’amour, éd. Verticales, 2023.

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Ovidie – La chair est triste hélas

Lecture par l’auteure accompagnée de Position Parallèle
Rencontre animée par Kerenn Elkaïm
Lecture musicale & rencontre

« Ce texte n'est ni un essai, ni un manifeste. Il n'est en rien une leçon de féminisme ni un projet de société. (...) Je l'ai pensé comme une série d'uppercuts dans le vide, une gesticulation vaine, les babines retroussées d'un animal blessé qu'on n'ose aider à se redresser. Il est un vernis qui craquelle si on le gratte trop fort et qui laisse apparaître ma laideur et celle des autres, celle qu'on ne peut pas voir. Il est tout ce que je ne peux dire, tout ce que je m'interdis de verbaliser de peur que mes mots dépassent ma pensée. » Il est surtout un texte qui sème magnifiquement le trouble. Militante du mouvement pro-sexe dans les années 1990, l’autrice et réalisatrice Ovidie, figure féministe lumineuse, livre le récit sans fard de la trajectoire qui l’a conduite à sortir de la sexualité.

À lire – Ovidie, La chair est triste hélas, coll. « Fauteuse de trouble », Julliard, 2023.

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Didier Eribon – Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple

Rencontre animée par Antoine Idier

Il y a quelques années, la mère de Didier Eribon est entrée en maison de retraite. Après plusieurs mois au cours desquels elle a peu à peu perdu son autonomie physique et cognitive, Didier Eribon et ses frères ont dû se résoudre à l’installer, malgré ses réticences, dans un établissement médicalisé. Mais le choc de l’entrée en maison de retraite fut trop brutal et, quelques semaines seulement après son arrivée, elle y est décédée. Après la mort de sa mère, Didier Eribon reprend le travail d’exploration personnelle et théorique qu’il avait entrepris dans Retour à Reims après la mort de son père. Il analyse le déclin de sa mère, ce qui l’amène à réfléchir sur la vieillesse et la maladie, sur nos rapports aux personnes âgées et à la mort, mais aussi sur l’expérience du vieillissement. Il s’interroge également sur les conditions de l’accueil des personnes dépendantes. Il montre que si l’expérience du vieillissement nous est très difficile à penser, c’est parce qu’il s’agit d’une expérience-limite dans la philosophie occidentale, dont l’ensemble des concepts semblent se fonder sur une exclusion de la vieillesse. Eribon reparcourt également la vie de sa mère, et notamment les périodes où elle était femme de ménage, ouvrière puis retraitée, la saisissant dans toute sa complexité, de sa participation aux grèves à son racisme obsessionnel. Il conclut sa démarche en faisant de la vieillesse le point d’appui d’une réflexion sur la politique : comment pourraient se mobiliser des personnes qui n’ont plus de mobilité ni de capacité à prendre la parole et donc à dire « nous » ? Les personnes âgées peuvent-elles parler si personne ne parle pour elles, pour faire entendre leur voix ?

À lire – Didier Eribon, Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple, Flammarion, 2023.